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Éditeur de logiciels implanté à Saint-Herblain, près de Nantes, RCA accompagne exclusivement depuis 20 ans la profession comptable. Rencontre avec un duo de dirigeants parfaitement complémentaires, composé d’Emmanuel Ledoux pour la partie technique et de Jérôme Clarysse pour le volet stratégique et commercial. Tous deux partageant une véritable passion pour le métier d’expert-comptable et ses (r)évolutions à venir.

Vous nous recevez dans votre nouvel écrin, l’immeuble Novawest, que vous avez investi en juillet 2022…

Emmanuel Ledoux : Nous sommes localisés depuis 2007 sur la Zac Armor à Saint-Herblain, mais c’est notre quatrième bâtiment. Nous avons toujours fait le choix d’être monosite. Pourquoi Novawest ? Tout simplement parce que l’on manquait de place et que dans nos projections, il faut toujours avoir des ressources. L’objectif étant de faire de ce bâtiment un outil collaboratif pour les équipes de RCA, mais aussi ses clients et ses partenaires.

Jérôme Clarysse : Il y a deux points de vue en fait. Il y a d’une part le confort de vie au travail, partie assez classique finalement. D’autre part, on a une spécificité : on travaille en BtoBtoB. Ce billard à trois bandes est quelque chose d’assez complexe : on a parfois des collaborateurs plus sensibles à l’utilisateur final, en l’occurrence le chef d’entreprise, dans ses besoins de simplicité, de mobilité en matière de gestion. Or, pour que l’expert-comptable adopte l’outil et qu’il ait envie de le diffuser auprès du client final, il faut qu’il y trouve aussi un intérêt personnel. Et cet intérêt n’est pas le même : l’expert-comptable va rechercher des gains de productivité, la sécurité, l’aspect normatif. On a donc cette difficulté de « faire aimer » l’expert-comptable à nos collaborateurs, quand cette profession souffre d’un déficit d’image. Sauf que nous, pour le coup, on travaille avec des experts-comptables totalement avant-gardistes !

Le MEG Expérience Center répond à cette volonté de mettre en relation les experts-comptables avec nos collaborateurs pour qu’ils puissent co-construire les produits de demain et qu’ils aient plaisir à travailler ensemble. Et ça fonctionne ! Quant à nos partenaires, ils sont liés à notre dynamique de développement. Et il est important que nos collaborateurs connaissent ces partenaires avec lesquels on va co-construire notre avenir. Et finalement, quand je parle de billard à trois bandes, si on associe nos partenaires, on est presque dans du quatre bandes !

EL : On est éditeurs de logiciels, mais pas que. Depuis 30 ans, on est impliqués dans la profession, et cela se traduit autant par des outils que par des méthodes. Et là-dessus, on se démarque des éditeurs purs qui ne font que du fonctionnel.  Aujourd’hui, on embarque aussi le « comment » : comment j’applique le logiciel, comment je le déploie, comment je le fais évoluer… C’est pour ça que le MEG Expérience Center est important, pour nous confronter à l’usage.

Peut-on revenir sur la naissance de RCA ? Comment vous êtes-vous rencontrés ?

JC : J’étais destiné à travailler dans le tourisme. En 1992, je me retrouve sur le marché du travail et l’un de mes anciens profs d’école de commerce à Paris, expert-comptable nazairien, me propose un job de directeur commercial pour vendre un logiciel. Je saute sur l’occasion et j’arrive à Nantes. Il faut savoir que l’expertise comptable ne m’attirait pas du tout, on ne peut pas parler d’un coup de coeur ! Quand j’arrive, je découvre qu’il n’y a en fait pas de commerciaux et je vois un jeune gars comme moi, en train de coder : c’était Emmanuel, arrivé trois semaines avant. Depuis, on ne s’est plus quittés !

EL : J’ai fait des études d’informatique et j’ai trouvé un stage chez cet expert-comptable. Je suis parti à l’armée et à mon retour il m’a proposé un poste dans le développement, qui était ce qui m’attirait. Je suis rentré dans cette profession et ne l’ai plus quittée. On peut dire qu’on a fait notre stage de dix ans ensemble dans le métier, moi sur la partie technique et Jérôme sur la partie commerciale. On a tout de suite formé un bon binôme, très complémentaire.

JC : Et puis en 1999, l’expert-comptable qui nous avait embauchés reçoit une proposition de rachat. Il vend à Sage. Je donne ma démission car je ne voulais pas travailler chez un gros éditeur. Étant un indépendant dans l’âme, je crée ma boîte. Au début, je fais du conseil pour les experts-comptables et très vite le virus du logiciel me reprend. Je retourne voir Emmanuel qui était resté chez Sage et lui expose mon idée : celle d’un bilan Powerpoint imagé parce que je trouvais incroyable qu’on présente des comptes à des artisans et commerçants sur des liasses monochromes. Je me disais qu’il y avait peut-être quelque chose à faire… Une semaine après il me présentait un POC1 et trois mois après, en 2003, notre premier logiciel sortait.

Il faut se remettre dans le contexte : à l’époque, c’était révolutionnaire ! D’ailleurs, au début, il y a eu des freins de la part des experts-comptables. On les obligeait à se mettre sur le canal de communication du client et comme c’était quelque chose d’efficace mais très simple, ils avaient parfois l’impression que ça dévalorisait le travail qu’ils avaient pu réaliser. Ils l’ont testé auprès des clients et là, à chaque fois, le client leur disait : « J’ai enfin compris mes comptes annuels ! » On allait tout de suite sur les forces et faiblesses et on arrivait à expliquer des choses simplement, de façon visuelle et pédagogique, permettant ainsi au dirigeant d’être plus impliqué dans sa gestion.

On est éditeur de logiciels, mais pas que. Depuis 30 ans, on est impliqués dans la profession, et cela se traduit autant par des outils que par des méthodes.

Emmanuel Ledoux

Vous avez gravé dans le marbre votre engagement à ne jamais commercialiser de logiciels en direct aux utilisateurs finaux. Pourquoi ce choix ?

JC : C’est une profession de foi ! Dès le départ, on a travaillé avec les experts-comptables. Avant même d’en faire une stratégie, c’est notre ADN. J’ai toujours cru dans l’avenir de cette profession qui gagne à être connue et œuvre au quotidien au bénéfice des petites entreprises. Elle est très enracinée dans le tissu économique !

Et parallèlement, ce qui me dérange, c’est que cette profession attire des opportunistes. Quand ils veulent travailler avec la TPE, ils se disent qu’il faut passer par les 18 000 experts-comptables, leur déclarent leur flamme mais n’ont en fait qu’un intérêt : toucher la TPE. Or, nous, à travers notre parcours depuis 30 ans, nous avons prouvé que nous pouvions nous inscrire dans la chaîne de valeur de l’expert-comptable. Et même si on travaille en BtoBtoB, on met tous les moyens à leur disposition pour que ce soit eux qui brillent auprès du client final.

EL : Notre credo, c’est la relation entre le cabinet et son client entreprise. Le bilan imagé c’était pour lui permettre de mieux communiquer auprès de son client, le tableau de bord aussi, toutes les missions de conseil, c’est pour mieux lui apporter de la valeur ajoutée. Plutôt que de faire large, on fait profond. Et on n’a jamais touché le fond ! On est toujours en train d’explorer de nouvelles zones, donc on n’a pas besoin de rayonner.

JC : Ça, c’est pour la partie affective. Après, la profession d’expertise-comptable est aussi un merveilleux terrain de jeu, qui rentre dans une logique de marché et qui va peut-être se financiariser… On dit toujours que le métier va se faire disrupter, sauf qu’il y a de plus en plus d’experts-comptables, le chiffre d’affaires augmente dans les cabinets. Et aujourd’hui, on est à l’aube de la facture électronique qui est un enjeu sociétal et économique majeur. Or, si on regarde qui sont les mieux placés pour digitaliser les petites entreprises et leur permettre d’accéder à la facture électronique, ce sont les experts-comptables. Sur 3 millions d’entreprises, 1,2 million ne font pas la compta, mais la soumettent aux cabinets. Avec la facture électronique, il va falloir qu’elles aient un outil d’organisation numérique et on va se battre pour que ce soit l’expert-comptable qui le fasse, avec nos outils.

Vous aimez dire que votre rôle est notamment d’anticiper les coups d’après. Quels sont-ils ?

EL : Ce bâtiment est la preuve qu’on est déjà dans le coup d’après. Dès 2018, on avait un projet qu’on a appelé Cap 2028. La perspective alors était d’être à 30 M€ de chiffre d’affaires avec 300 personnes. On y a travaillé, notamment avec la plateforme MEG qui aujourd’hui prend son élan auprès des cabinets qui ont déjà ce projet de transformation de leur clientèle. Ceux qui incarnent le mieux cette dynamique, ce sont la centaine d’ambassadeurs, membres du CEG, le Club des Experts en Gestion, un espace de réflexion stratégique que l’on anime. Mais la plupart des experts-comptables n’anticipent pas aujourd’hui.

JC : C’est compliqué, parce que ça bouleverse leurs méthodes de travail, les collaborateurs ont du mal à se projeter. Et en plus, ça oblige les entreprises à aller sur la digitalisation alors qu’elles sont aujourd’hui préoccupées par des problématiques d’embauches, d’inflation et d’énergie.

EL : On est là aussi pour orienter et éclairer et il y a de toute façon des échéances2.

Justement, voyez-vous la facture électronique comme une menace ou une opportunité ?

JC : Dans les trois ans, tout le monde va y passer. C’est donc une révolution.

Il y a de multiples enjeux derrière la facture électronique. Le premier est écologique. Ensuite, le coût d’une facture est aujourd’hui évalué à 15 €, entre le fait de l’éditer, de la mettre sous enveloppe, de l’envoyer, de la traiter et de faire la tenue comptable. Ce n’est pas un coût anodin pour les entreprises. Le troisième point, c’est l’opportunité pour l’État de récupérer entre 40 et 50 Mds€ de TVA avec des factures qui seront infalsifiables.

Par ailleurs, la comptabilité c’est 90 % de factures. Plus le temps entre l’émission, la réception et le traitement est long, plus la capacité de l’entreprise à faire du pilotage est réduite. Enfin, c’est aussi un moyen pour l’État d’avoir un observatoire global de ce qui se passe dans les entreprises. Il y a 2,5 millions de factures en France, le jour où l’on va analyser toute cette data, ça va fournir une multitude d’informations.

Et pour les experts-comptables ?

JC : L’impact pour eux est double. D’abord, c’est une opportunité puisque l’État va s’appuyer sur eux pour diffuser la facture électronique. Mais ils doivent aussi faire très attention car aujourd’hui 50 % des honoraires du pôle comptable des cabinets réside dans la tenue, donc précisément dans le traitement des factures. Or, si tout passe par flux, cette manne risque de diminuer. Il va donc falloir anticiper l’échéance et se poser la question de savoir ce que l’on va faire après. Il y a un enjeu de mutation, notamment vers des missions de conseil.

Ça, ça va encore. Là où l’enjeu est plus important, c’est que jusqu’à maintenant on avait une production comptable centrée sur le cabinet. Le client se déchargeait de pièces, mais lui sa gestion était inexistante. Demain, on ne va plus traiter des pièces, mais des flux, et ces flux vont passer en premier par l’entreprise. Ça veut dire que celui qui va maîtriser toute cette gestion de flux va être capable d’accompagner et de faire du pilotage avant même que la comptabilité ne soit faite. L’expert-comptable ne va pas perdre son boulot parce qu’il y a un monopole lié à la tenue comptable. En revanche, le travail d’accompagnement, lui, pourra se faire par d’autres acteurs à l’endroit où les flux vont arriver. Ces acteurs peuvent être des banques ou des éditeurs disrupteurs qui pourraient vendre des services complémentaires de recouvrement, de paiement… Et on pourrait, à terme, avoir un phénomène d’affaiblissement ou de paupérisation de la profession d’expert-comptable. Celui-ci doit donc changer son centre de gravité et mettre à disposition des entreprises une plateforme sur laquelle il a la main. Et c’est là que l’on intervient.

On pourrait même, à terme, avoir un phénomène d’affaiblissement ou de paupérisation de la profession d’expert-comptable. Celui-ci doit donc changer son centre de gravité.

Jérôme Clarysse

De quelle manière ?

JC : On l’aide à muter à travers des outils technologiques, mais aussi via notre think tank, le CEG.

Quel est la raison d’être de ce cercle de réflexion ?

JC : Cela nous apporte une vitrine pour les cabinets qui veulent aller vers la facture électronique et les nouvelles missions car en rentrant dans le CEG, ils rencontrent des cabinets qui pratiquent déjà et leur montrent la voie. Et pour nous, ça enrichit notre MEG Expérience Center : on peut s’appuyer sur des experts impliqués pour imaginer les outils de demain.

EL : Depuis le début, on n’a pas changé d’idée : on est sur la relation client. Et tout ce que l’on fait au CEG est lié à ça, pour accompagner le changement dans les cabinets. Le club est très participatif.

En janvier, vous avez annoncé la création d’une Plateforme de dématérialisation partenaire sous la marque Le Village connecté. Avec quelle ambition ?

JC : Il y a là encore une opportunité de business et une histoire d’affect. On aime bien quand les deux sont associés… Ceux avec qui on travaille, ACD Groupe (société de logiciels de production comptable basée à Aix-en-Provence, NDLR) et Coaxis (hébergeur basé dans le Lot-et-Garonne, NDLR), sont à peu près de la même taille que RCA et on se côtoie depuis des années. On a avec eux une amitié très profonde. Il n’en demeure pas moins qu’il y a un vrai projet industriel. Ce qui est très intéressant, c’est que ce sont des acteurs complémentaires d’un point de vue technologique. Et il y a un alignement des planètes : on est tous indépendants, on a tous le même affect pour les experts-comptables, et l’envie de construire quelque chose de grand pour la profession comptable. Tout cela dans un monde qui se financiarise. On imagine, comme dans un livre, qu’on a écrit différents chapitres et on aimerait bien qu’il y ait un épilogue sympa.

Tout ça prend sens grâce à la facture électronique. En fait, dans ce cadre, pour les experts-comptables il y a trois piliers importants. La première brique, c’est l’outil de production, mais il doit être ouvert sur l’extérieur, c’est-à-dire sur le client avec un espace serviciel. Cet écosystème doit être mis dans celui, global, de la facture électronique, qui est une grosse machinerie. Au centre, il y a le Portail Public de Facturation, c’est-à-dire l’État grosso modo. Et il y a enfin la troisième brique : les Plateformes de Dématérialisation Partenaires3. Or, quand on unit les compétences de nos trois entreprises, on a les trois briques. On met donc en ce moment toutes les conditions en œuvre pour déboucher sur un acteur au
service de la profession.

L’intelligence artificielle fait-elle partie de vos sujets prioritaires ?

EL : Pour le moment, on est plutôt sur la collecte de données en vue de les qualifier, pour les entreposer au travers de data lakes4 pour ensuite commencer, au travers de groupes de projet, à commencer à suivre une information utile pour le client, visée par l’expert-comptable. Aujourd’hui, l’intelligence est donc plutôt dans les humains. En revanche, on met en place les tuyaux nécessaires pour s’y intéresser demain.
JC : Je crois beaucoup en l’intelligence artificielle. Je suis convaincu que dans un avenir proche, il va y avoir une interaction homme-machine pour aider l’expert-comptable à aller plus vite dans l’accompagnement qu’il donnera aux entreprises. On lui reproche souvent de ne pas assez conseiller, mais le coût du conseil est tel que le client n’est pas prêt à le payer. Toute cette gestion de données pour lesquelles nous participons à créer les pipelines permettra, à un moment donné, à l’expert-comptable ou à son collaborateur, d’être « augmenté », d’agir plus vite. C’est ça demain l’intelligence artificielle dans les cabinets et on va y arriver, c’est inéluctable !

Propos recueillis par Nelly Lambert – Informateur Judiciaire – informateurjudiciare.fr

 


  1. « Proof of concept » : méthode qui permet d’évaluer la faisabilité d’un projet.
  2. La loi fixe un calendrier progressif de déploiement de la facturation électronique par les entreprises, à compter du 1er juillet 2024 en réception et à compter du 1er janvier 2026 en transmission pour toutes les entreprises.
  3. L’ensemble des factures transitera obligatoirement par une plateforme pour l’émetteur comme le destinataire, via le Portail Public de Facturation (pour les factures liées à la commande publique – PPF) et les Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP). Ces dernières auront pour mission de convertir les documents en factures électroniques normées, les contrôler, les envoyer à leurs destinataires en vue de leur règlement et devront transmettre les données au Portail Public de Facturation en vue du contrôle et de la pré-déclaration de TVA.
  4. Lacs de données : les données y sont conservées sous forme brute (ni traitées ni analysées).