En matière de marketing, il est nécessaire de faire la distinction entre les besoins et les attentes des clients.
Pour bien appréhender la différence entre les deux, il vous suffit de taper sur Google la requête suivante : « Différence entre besoin et attente ».
Vous obtenez en première proposition de réponse la définition suivante :
« On peut résumer cette différence en expliquant que le besoin est une obligation et que l’attente est plutôt un souhait. Par exemple, lorsque l’on achète un véhicule automobile, disposer d’un système de freinage est un besoin, mais l’option des sièges chauffants répond plutôt à une attente… ».
Cette définition est transposable à tous les secteurs d’activité :
- Quand je franchis la porte d’un hôtel, mes besoins sont d’avoir un lit confortable pour dormir et un petit déjeuner copieux pour me sustenter. Mes attentes se portent davantage sur l’environnement comme de disposer d’une salle de sport, d’un spa, d’un vélo pour me balader, etc…
- Quand je confie ma voiture pour une révision, mes besoins portent sur l’entretien de cette dernière, alors que mes attentes seront satisfaites si on me fournit un véhicule de prêt ou si on lave ma voiture.
On pourrait multiplier ce type d’exemples à l’infini. Tous les secteurs d’activité sont concernés y compris les cabinets d’expertise-comptable, nous y reviendrons plus tard.
Le passage des « besoins » vers les « attentes » s’avère étroitement lié à la maturité de l’offre. Cette maturité (banalisation) peut se caractériser par l’enchaînement suivant
- Une augmentation de la qualité (meilleure production) ;
- Une banalisation de l’offre de base ;
- L’adjonction de services souvent gratuits (à commencer par les attentions) ;
- L’adjonction de services supplémentaires qui sont intégrés à l’offre de base à prix quasi équivalents ou facturés à part (cela dépend du coût de revient de l’offre).
Plus une offre se banalise et plus le passage à l’étape suivante s’impose. D’ailleurs, la stratégie low-cost consiste à faire le chemin inverse afin d’abaisser le prix. Les low-costs répondent aux besoins, pas aux attentes. Pour le moins, la satisfaction des attentes génère une facturation complémentaire et admise par le client.
En matière de satisfaction client, il faut bien comprendre que plus l’offre est mature et plus la satisfaction est décorrélée de la qualité. On appelle cela la normalité. Pour le dire différemment, c’est la « non-qualité » (ou l’absence de qualité) qui génère de l’insatisfaction client et non l’inverse.
Reprenons la définition ci-dessus. Si le système de freinage est défaillant, mon insatisfaction est totale. Si la voiture freine, cela me paraît normal. Un freinage ultra-efficace en situation d’urgence me rappelle que le système est puissant ce qui génère ponctuellement de la satisfaction, mais les occasions sont rares.
En revanche, je savoure les moments où j’active le chauffage de mon siège. Cette option, dont je n’ai pas un besoin absolu, me procure paradoxalement plus de plaisir que le freinage dont l’utilité n’est plus à démontrer.
Enfin, il faut bien admettre que plus une offre se banalise et plus les attentes sont transférées vers les besoins. Qui pourrait encore se passer d’un GPS ?
L’innovation amplifiée par la concurrence génère de nouvelles attentes et ainsi de suite.
Pour terminer sur cette explication, et avant d’aborder l’offre des cabinets d’expertise-comptable, on s’aperçoit que dans la grande majorité des cas, les personnes et les organisations associées à l’adjonction de services supplémentaires (étape 4) sont rarement les mêmes que celles des 3 premières étapes.
Par exemple, si l’hôtel s’équipe d’un spa ou d’une salle de sport, la direction de l’hôtel ne peut pas demander aux femmes de chambres ou aux cuisiniers de gérer ces nouvelles activités. De même, si un garage auto décide de rendre un véhicule propre après une révision, la direction du garage ne peut pas demander aux mécaniciens d’assurer le lavage des voitures. Le garage s’équipera d’une station de lavage avec des collaborateurs dédiés, idem pour l’hôtel.
Dans le domaine des cabinets d’expertise comptable, on s’aperçoit que les 3 premières étapes sont bien maîtrisées. Les processus de production se modernisent, la qualité est au rendez-vous (compta, social et juridique) et l’adjonction de services souvent gratuits délivrés par les collaborateurs (svp fiscal, rédaction d’une attestation, courrier aux organismes sociaux…) génère de la satisfaction. Cette satisfaction est amplifiée par la multitude d’attentions caractérisées par le comportement des collaborateurs (disponibilité et proximité).
La COVID-19 l’a prouvé. Le ministre de tutelle, Bruno LEMAIRE l’a souligné au 76ᵉ congrès à Bordeaux.
La satisfaction a cependant tendance à diminuer quand on sonde les clients sur leurs attentes.
Dans un environnement qui est de plus en plus concurrentiel, les cabinets savent qu’ils doivent s’atteler à passer l’étape 3 pour la 4 : celle des SERVICES. C’est une condition sine qua non pour maintenir les honoraires et la marge du cabinet.
Au passage, nous ne croyons pas aux transferts d’honoraires des prestations de base vers le conseil (compensation). Le conseil tel qu’il est envisagé aujourd’hui par les cabinets concerne essentiellement des entreprises plus structurées pour ne pas dire des PME ou des TPE en phase de forte croissance. Pour ces entreprises, le conseil n’est pas une attente, mais bien un besoin. C’est d’ailleurs pour cela que les experts-comptables ne sont pas obligés de le vendre puisque ce sont les clients qui le demandent. Au mieux l’expert formalise l’expression de ce « besoin » sous la forme d’une lettre de mission et d’un prix.
La satisfaction des TPE par l’assouvissement de leurs attentes se loge dans le domaine des services pas dans ceux du conseil. Nous convenons que la frontière est parfois ténue entre ces deux approches. Pour concilier tout le monde, on pourrait parler de conseil à la TPE ou de conseil « packagé ». On se situe bien dans la zone caractérisée par une capacité contributive de 10 à 20 % des honoraires annuels soit environ 600 € sur la base de dossiers à 3.000 € (moyenne nationale de la facturation par dossier).
Un client qui opte pour un soin lors de son passage à l’hôtel ne multipliera pas par deux la note de son séjour contrairement à la clientèle « thalassothérapie » dont le montant des soins est équivalent voire supérieur à la prestation hôtelière.
Pareillement, un client qui récupère son véhicule lavé après une révision, est prêt à accepter un « petit » surplus intégré à sa facture. Il n’a donc pas les mêmes besoins que celui qui s’octroie un « nettoyage complet de sa voiture » à son domicile ou au siège de son entreprise moyennant une facture associée.
Quand Google évoque « l’option des sièges chauffants » pour caractériser les attentes (souhaits), on est bien dans la catégorie des « plus » ou des options. Heureusement d’ailleurs tout le monde sait que ce sont les options qui préservent les marges d’un produit ou d’un service.
Il en est de même pour la clientèle des cabinets : il faut bien distinguer les TPE des PME dont les besoins, les attentes et la capacité contributive diffèrent.
Les cabinets ont donc intérêt à formaliser les services (options) et à les distinguer du conseil. Cet exercice est d’autant plus nécessaire si la part de TPE représente plus de 80 % de la clientèle.
Au CEG, nous avons réparti ces services en 4 catégories, ils sont :
- Les outils : outiller le client avec des solutions de facturation, notes de frais, achats, sirh, etc.
- Les commodités : paiement des factures en ligne, signature électronique des devis…
- Le pilotage : la mise à disposition d’outils de suivi de leur gestion et d’exploitation de la data (tableaux de bord en temps réel)
- La marketplace : des services en ligne facturés et associés à la plateforme de gestion du cabinet.
Cette approche est relativement bien assimilée par les experts-comptables que nous côtoyons au quotidien. En revanche, ce sont les moyens à mettre en œuvre pour passer à cette 4ᵉ étape qui pose un vrai problème.
Bien souvent, cette mission de diffusion de ces nouveaux services est confiée aux collaborateurs en place. Or et comme nous l’avons vu précédemment, cela est difficilement possible pour ne pas dire impossible. Il faut pleinement les associer, bien évidemment, car c’est un projet de cabinet, mais on ne peut pas leur confier l’entièreté des travaux pour une raison très simple, c’est qu’ils n’ont pas le temps nécessaire pour s’y consacrer !
Pire, le projet risque d’être improductif et de générer en interne comme en externe plus d’insatisfaction que de satisfaction, pour ne pas dire de la frustration (chez le collaborateur, chez l’expert et chez le client).
Un collaborateur qui est à 100 % de ses capacités, va naturellement se pencher sur ses propres commodités pour faire encore mieux (gains de productivité et habitudes de travail) que sur celles de ses clients. Or, nous savons tous que l’amélioration des commodités des clients (satisfaire ses attentes) génèrent énormément de ressources.
Ce n’est pas parce que la femme de chambre ou le cuisinier ne s’occupent pas du spa ou de la salle de sport qu’ils faillent à leurs obligations. L’acceptation de cette contrainte est le point de départ pour atteindre l’étape 4 (les services).
Pour le reste, il s’agit de gestion de projet et de conduite de changement.
Il convient donc aux experts-comptables de déceler des attentes pour susciter des besoins.
Les plus convaincus d’entre eux pourront alors investir humainement pour passer ce cap.
En conclusion, des recrutements ad hoc sont indispensables en cabinet pour mener à bien ce type d’évolution. Et le profil de ces nouvelles recrues diffère de celui de vos collaborateurs actuels
Jérôme CLARYSSE
Président du Club des Experts en Gestion